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IMAGE URBAINE

Le projet de revitalisation du port de Mikkeli énonce l’idée de redorer l’image de la ville dans ses objectifs. Pour ce faire, le nouveau quartier portuaire devra se doter d’une identité forte, laquelle devra être appropriée par les résidents.

 

Cette volonté de voir la ville comme objet de représentation n’est pas étrangère aux chercheurs du groupe PARVI (Groupe interuniversitaire de recherche sur les paysages de la représentation, la ville et les identités urbaines), lesquels ont organisé un colloque sur le sujet en septembre 2009, à Montréal, comportant une série de conférences sur la culture urbaine vue à travers le discours de l’historien d’art et d’architecture André Corboz. Ainsi, les différents chercheurs ont présenté plusieurs manières de relier les notions d’urbanité à celles de la mémoire et de l’imaginaire collectif tout en respectant le principe de la ville comme palimpseste et celui de voir la transformation urbaine comme génératrice d’une nouvelle identité.

 

Lors de ce colloque, le professeur et chercheur Yves Chalas, intéressé par la question des mutations urbaines contemporaines, présente une synthèse de ses travaux sur L'invention de la ville-nature contemporaine, laquelle est pertinente à appliquer pour analyser le cas de Mikkeli. Cette manière de composer la ville à partir de ce qui y est déjà en place s’inspire tout d’abord de l’idée du Ready-Made de l’artiste Marcel Duchamp, mais également de l’approche corbozéenne du palimpseste. Traitée comme une nouvelle manière de faire la ville contemporaine, cette vision comporte cinq concepts clés définissant la présence de la nature en ville et les nouveaux rapports entre ceux-ci.

1. INTERPÉNÉTRATION

« entre ville et nature »

 

Il s’agit ici de voir les étendues naturelles comme les forêts, l’agriculture ou les cours d’eau comme parties intégrantes des systèmes urbains, à la manière d’une hybridation entre ville et campagne. Les éléments naturels intégrés ne doivent pas être une série d’ornements ponctués, mais faire partie intégrante du concept.

 

Dans le cas de Mikkeli, la baie de Savilahti est en plein cœur du projet. On lui accorde une place de choix, c’est d’ailleurs l’élément premier à partir de laquelle la grille urbaine est composée. Un canal est pensé afin de faire pénétrer l’étendue d’eau principale jusqu’à ses berges habitées. Le projet inclut également un secteur d’agriculture urbaine (quoique modeste), des zones boisées ainsi qu’un sanctuaire d’oiseaux. Ainsi, on peut dire que ces forêts et ces zones humides urbaines améliorent les qualités du milieu de vie.

 

 

INTERPÉNÉTRATION DES ESPACES VERTS

(2015, par les auteurs / image originale 2013, AJAK architectes)

2. CENTRALITÉ

« La nature en tant que nouvelle centralité urbaine, verte ou bleue »

 

Ce concept veut qu’un élément naturel d’envergure se trouve au cœur du projet. Chalas définit le concept de centralité comme un endroit dont l’attractivité se fait par nécessité ou désir des habitants pour les activités qu’il offre, comme lieu de sociabilité anonyme et comme foyer de mixité sociale. Tout particulièrement dans le cas de la ville-nature contemporaine, les équipements doivent être orientés vers la nature et engendrer une fréquentation régulière.

 

Le projet répond aux exigences de ce concept, le lac Saimaa est en plein cœur de ses orientations. La division du projet en trois zones recouvrant l’ensemble du périmètre de la baie provoque la centralité de celle-ci au sein du projet. Les fonctions et typologies du lieu traduisent une mixité affirmée. Les aménagements sont orientés vers l’élément naturel et favorisent son intégration dans le quotidien des usagers, autant en été qu’en hiver, permettant une vocation touristique et sportive du lac.

 

 

LE LAC COMME ACTEUR DE LA CENTRALITÉ

(2015, par les auteurs / image originale 2013, AJAK architectes)

3. SENSORIALITÉ

« Demande sociale de nature sensible, pratiquée et vécue avec l’ensemble des sens corporels »

 

Ce principe fait appel aux différents sens en substituant le mot « paysage » par jardin. L’image contemplative est mutée par une pratique quotidienne multisensorielle. Les milieux naturels que l’auteur nomme les jardins doivent être généralisés, multipliés dans le territoire. Ils doivent également subir une forme de banalisation, afin de ne plus être réservés qu’à quelques privilégiés. Ils sont ainsi démocratisés, chacun les perçoit comme des lieux accessibles, traduisant une forme d’équité. C’est une manière de voir le contact avec la nature comme une expérience quotidienne influant les modes de vie et de mobilité.

 

Cette partie est peut-être plus difficile à déceler dans le projet. Outre le secteur réservé à l’agriculture urbaine et au jardin d’hiver, peu d’endroits matérialisent ce désir de nature sensible, à moins d’admettre le lac comme inclus dans la notion de jardin proposée par l’auteur. En effet, sa forte présence visuelle et son accessibilité enfin démocratisée permettent aux habitants de vivre les pratiques et les usages de la nature au sein même de la ville. Nul besoin de quitter vers les milieux ruraux, la nature se voit intégrée quotidiennement. L’aménagement d’une petite plage publique fait aussi appel à ce concept en permettant un accès aisé à la baie. L’intégration de façades végétales est un bel effort de naturalisation du cadre bâti, lequel gagnerait à être davantage assumé.

 

 

LE PORT ET LES CANAUX

(2013, AJAK architectes)

COUPE TRANSVERSALE

(2013, AJAK architectes)

4. MONUMENTALITÉ

« La nature comme nouvelle monumentalité urbaine »

 

La monumentalité peut se diviser en trois parties distinctes. La centralité relative dans le territoire compte comme premier aspect. Le deuxième est celui du repère, la nature comme élément signal permettant de s’orienter ou même de donner des directions. Le troisième aspect est celui de la mémoire, de doter la nature d’une valeur mémorielle en la rappelant comme la composante première du territoire.

 

Par sa taille et sa position, la baie Savilahti remplit très bien ces fonctions, autant à l’échelle du projet que de la ville. En effet, le projet permet de réaffirmer le lac comme un lieu central, une extension du centre-ville, notamment en intégrant de nouvelles activités susceptibles d’engendrer une fréquentation à la hausse. Par sa trame, le projet conserve les percées visuelles vers la baie à partir du centre-ville. De ce fait, le lac permet également de s’y référer pour s’orienter à l’échelle de la ville. Finalement, la réactivation des activités nautiques dans la baie fait référence au passé maritime jadis observable dans ce secteur.

 

Par extrapolation, il est possible de considérer le Centre des sciences comme tel, considérant la vocation d’éducation et d’information sur la nature et l’écologie de ce véritable phare à l’échelle du projet.

 

 

EXTENSION DU CENTRE-VILLE ET ORIENTATION

(2015, par les auteurs / image originale 2013, AJAK architectes)

5. VIDES STRUCTURANTS

« Les espaces naturels non bâtis centraux [...] structurant l’urbanisation au même titre que les espaces bâtis  »

 

Chalas propose de voir les espaces urbains non bâtis comme servant à orienter et à façonner les espaces bâtis les entourant. Il ne faut pas voir ces « vides » comme inachèvements, mais plutôt comme une alternance rythmée avec le cadre bâti. Il faut faire de ces endroits des potentiels lieux de sociabilité ou de contact avec la nature, dans le but d’améliorer le cadre de vie des habitants.

 

La densité visée par le projet et son échelle permet de respecter ce principe et de faire référence au passé portuaire du secteur. Les perspectives offertes sur la baie à partir du projet motivent les ouvertures qui rythment la composition du cadre bâti. Un parcours piéton et cycliste est incorporé à l’ensemble du projet et est cadré par des espaces non construits, que ce soient des espaces verts, minéraux ou aquatiques. Ce parcours est libéré de l’emprise du cadre bâti de la ville et permet le recueillement.

 

 

COMPOSITION DES VIDES DU CADRE BÂTI

(2015, par les auteurs / image originale 2013, AJAK architectes)

Sources :

SMORISSET, Lucie K. (dir), & Marie-Eve Breton (2011). La ville : Phénomène de représentation. Québec, Les Presses de l’Université du Québec, 334 pages.

 

Groupe interuniversitaire de recherche sur les paysages de la représentation, la ville et les identités urbaines (2009). La ville: objet et phénomène de représentation [en ligne], Montréal, http://www.colloqueville.uqam.ca/, Consulté le 23 novembre 2015.

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