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COMPLEXITÉ URBAINE

Ayant servi de point d’ancrage aux villes portuaires, les ports industriels ont laissé une trace imposante sur la structure urbaine de celles-ci. Le développement urbain de ces villes s’est donc effectué autour et en lien avec ces infrastructures (chemin de fer, routes, etc.). Cette imbrication de la structure du port dans la ville en fait une composante de la mémoire collective de sa communauté. Puisque la révolution dans les transports maritimes a laissé ces parcelles industrielles vacantes, l’image de ces friches urbaines doit être remise en question. Leur emplacement bien souvent central dans la ville, couplé à leur héritage historique, leur confère des qualités inhérentes à la culture urbaine.

 

Ces zones industrielles abandonnées, vestiges d’une ère révolue, se voient actuellement requalifiées dans grand nombre de villes. Cette double identité, historique et contemporaine, forme la complexité urbaine des waterfronts. Ainsi, une certaine conservation de l’utilisation antécédente est primordiale au projet de requalification des waterfronts. D’après Rinio Bruttomesso, professeur de design urbain à Venise et éditeur de la revue Aquapolis, trois objectifs principaux doivent guider le projet de requalification des ports industriels désaffectés :

 

Le projet doit recomposer les différentes parties de la berge pour leur donner un sens commun, revitaliser les différentes zones industrielles pour les réintégrer à l’urbain et requalifier certains bâtiments ou ensembles de structures datant de l’ère industrielle pour conserver la mémoire du lieu.

CRITÈRES PRÉALABLES À LA COMPLEXITÉ URBAINE

 

Dans l’optique de réaliser les trois objectifs principaux vus précédemment, Bruttomesso établit trois clés conceptuelles pour le projet de requalification du secteur portuaire :

 

 

1. L’intégration d’une complémentarité entre les secteurs riverains et la ville

 

Le projet de waterfront se doit d’être considéré à grande échelle, car la consolidation doit permettre des répercussions positives à travers l’ensemble de la ville. La complémentarité se déploie en deux volets distincts. Premièrement, un réseau de connexions complexe, autant physique que visuel, doit être intégré entre la ville existante et le nouveau secteur riverain. En parallèle de cette cohérence urbaine, une complémentarité dans les activités proposées est essentielle. Par l’établissement de ces deux composantes, un mouvement constant entre les différentes zones de la ville sera possible.

PERMÉABILITÉ PHYSIQUE

SCHÉMAS DE LA PERMÉABILITÉ PHYSIQUE

(2015, par les auteurs / image originale 2013, AJAK architectes)

Le chemin de fer crée une barrière urbaine difficilement franchissable entre le centre-ville et la zone du projet. Dans la proposition Vesireittejä, quatre connexions piétonnes, dont seulement deux sont accessibles pour l’automobile, ont été placées stratégiquement pour renforcer le lien physique avec la vieille ville. De la même façon, les rives de la baie de Savilahti sont reliées à trois endroits par des ponts piétonniers. Ces derniers font partie d’un réseau cyclable et piétonnier intégré à l’ensemble du développement, facilitant ainsi la transition entre les différents secteurs du projet. Les connexions routières sont donc moins fortes que celles piétonnes; de plus grandes distances doivent être parcourues pour se rendre du point A au point B. Cette ségrégation des modes de déplacement peut générer un certain inconfort chez les usagers. Par contre, le fait de réduire les possibilités de l’automobile permet de freiner le trafic routier, facteur à considérer pour un développement sensible du milieu riverain. De plus, des ports de plaisance sont intégrés à chacun des secteurs du projet, permettant ainsi la perméabilité par voies maritimes. En ce sens, la multiplication des modes d’accessibilité permet d’offrir une multitude de choix pour le visiteur.

PERMÉABILITÉ VISUELLE

La grille urbaine existante de la ville se reflète dans le projet par le prolongement des axes des rues perpendiculaires. Ainsi, les percées visuelles sur le lac sont conservées. À l’inverse, par une implantation légèrement décalée des bâtiments, diverses percées de la vieille ville sont possibles à partir du projet. Ce dialogue visuel entre les différentes parties de la ville permettra leur interpénétration.

SCHÉMA DE LA PERMÉABILITÉ VISUELLE

(2015, par les auteurs / image originale 2013, AJAK architectes)

COMPLÉMENTARITÉ ET VARIÉTÉ

LE CENTRE DES SCIENCES : UN PHARE DANS LA VILLE

(2015, par les auteurs / image originale 2013, AJAK architectes)

Dans le projet, l’implantation d’un Centre des Sciences est proposée. L’intégration d’une nouvelle fonction dans la ville de Mikkeli créera une zone d’intensité au cœur du redéveloppement riverain. Cette composante du programme devient un nouveau repère pour la ville. Aussi, grâce à la qualité de l’eau du lac Savilahti, plusieurs activités aquatiques sont intégrées au programme. La location de kayaks et de canots, la plage urbaine et le café flottant sont des éléments uniques au milieu riverain qui ne peuvent se pratiquer ailleurs dans la ville.

 

Avec le déploiement de ce réseau de connexions complexe, la recomposition du waterfront est possible.

2. L’implantation d’une mixité de fonctions dans le nouveau secteur riverain

 

La mixité des fonctions permet de créer un milieu vibrant à longueur de journée. Il est important de bien balancer le ratio d’éléments programmatiques et d’éviter la combinaison commerciale+récréative, qui diminuerait fortement la qualité urbaine de la requalification.

LISIBILITÉ

Le projet riverain de Mikkeli est défini par trois limites du milieu — le chemin de fer, la route nationale 5 (VT5) et les rives de la baie de Savilahti — délimitant trois zones distinctes. Par l’intégration d’un réseau de voies à l’intérieur du projet, ces zones se sont redéfinies. D’une part, la création d’une rue importante, reliée aux deux ponts traversant la baie, permet la fusion des deux zones donnant sur la baie de Savilahti. D’autre part, ce même axe divise la grande zone longeant le chemin de fer en deux sous-secteurs. Cet axe redirige donc le projet vers le point d’eau, élément central au projet. Un nœud a été fortement défini à l’extrémité de cet axe structurant par l’emplacement du Centre des Sciences, point de repère du projet.

LISIBILITÉ

(2015, par les auteurs / image originale 2013, AJAK architectes)

VARIÉTÉ

MIXITÉ DES FONCTIONS

(2015, par les auteurs / image originale 2013, AJAK architectes)

Pour concrétiser l’implantation d’un réseau de connexions complexe, il est primordial d’intégrer une variété d’expériences à celui-ci. La proposition du projet présente une grande mixité d’usages, autant horizontale que verticale. Les zones requalifiées se veulent des quartiers principalement résidentiels, incorporant des activités récréotouristiques. La création d’îlots résidentiels, le cœur récréotouristique autour du Centre des Sciences et l’intégration de commerces au rez-de-chaussée des logements implantés aux intersections les plus achalandées sont des stratégies proposées pour associer variété et perméabilité. L’intégration d’un grand nombre de ports de plaisance et la conservation de certaines structures portuaires fait appel à l’identité industrielle du lieu. La mixité historique et contemporaine se ressent particulièrement par l’intégration de zones d’arrimage à l’intérieur même des nouvelles typologies d’habitation et par la requalification de l’ancienne gare ferroviaire en usages modernes (salles de conférence, restaurant, activités de loisir).

FRONT BÂTI

L’interface entre la ville et le projet a été structurée par le prolongement de la grille urbaine existante, cadrant le chemin de fer. L’interface entre les rives et le lac a plutôt été traitée de façon irrégulière, créant une légère variation de la trame existante. Ainsi, plus le visiteur se rapproche de la limite de l’eau, plus le caractère ordonné de la trame s’assouplit.

 

Grâce aux concepts de variété, de lisibilité et de front bâti, la revitalisation ainsi que la requalification du waterfront sont possibles.

INTERFACE VILLE-PROJET

(2015, par les auteurs / image originale 2013, AJAK architectes)

3. La co-présence du public/privé

 

La mixité de ces deux éléments doit se retrouver dans tous les secteurs touchés par la requalification : la mixité des fonctions publiques et privées permet une diversité de visiteur, celle des espaces permet de créer diverses ambiances à travers le projet, tandis que la mixité des acteurs participant au redéveloppement permet d’imaginer un projet plus sensible aux besoins réels.

 

L’aspect politique des waterfronts est très important à considérer, car un grand nombre d’acteurs, de tous les milieux, seront impliqués dans le projet. Cependant, dans le document du concours, il est stipulé que la situation de la propriété foncière ne pose aucune restriction, puisque la ville de Mikkeli s’engage à acheter le territoire complet entourant la baie de Savilahti.

Sources :

BENTLEY et al. (1985). Responsive environments : a manual for designers. London, Architectural Press, 151 pages.

 

BRUTTOMESSO, R. (2001). « The complexity in the urban waterfront » (chap. 3), dans Waterfronts in post-industrial cities. London, Spon Press, 194 pages.

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